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Anne Mikolajczak
Élue écologiste
Adjointe à la Maire de Lille déléguée aux droits des femmes et au vélo.
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Nicolas :
C'est plus, une conversation !
Anne :
D'accord, il n'y a pas de soucis.
Nicolas :
La première chose que j'aimerais que vous fassiez, c'est de m'expliquer votre mission.
Anne :
D'accord ! D'abord, je suis élue de la ville. Élue ça veut dire que je suis une personnalité qui fait avancer les politiques de la ville. Martine Aubry, notre Maire, m'a chargée de deux politiques dans la ville. La politique en faveur de l'égalité entre les femmes et les hommes et la politique en faveur du vélo. Ce sont ces deux politiques que j'essaie tant bien que mal de mener. Je dis tant bien que mal parce qu'autant sur la politique entre les femmes et les hommes, il y a beaucoup d'idées partagées par beaucoup de personnes, autant la politique en faveur du vélo, c'est une délégation que j'ai depuis moins longtemps puisque c'est arrivé à la moitié du mandat et donc peut-être plus compliqué. C'est une politique qui est partagée entre la ville et la métropole européenne de Lille et dans ce cas, effectivement, il faut toujours travailler en collaboration, en coopération, avec les services de la métropole. Alors je ne suis pas une technicienne, je ne connais rien à priori à ces domaines, je gagne en compétence évidemment, mais je ne suis pas à cent pour-cent de mon temps, j'ai gardé mon vrai travail, même si ça me prend beaucoup de temps.
Nicolas :
D'être ici ?
Anne :
Oui d'être élue, ça prend du temps !
Nicolas :
Enfin, je ne me rends pas compte. Le ratio, c'est quoi ?
Anne :
Alors...
Nicolas :
C'est soixante/quarante ?
Anne :
Alors, étant donné la taille de la ville et le fait que je sois adjointe, j'ai le droit à un tiers temps. Ça me prend un peu plus qu'un tiers temps si je regarde, en général, on va dire en moyenne un à deux jours par semaine, ça dépend un peu des semaines, des événements, etc... Mais souvent, je suis là le jeudi et une partie du vendredi, voir les deux, après il y a les week-ends donc je parle vraiment de moyenne.
Nicolas :
En ce qui concerne la politique, c'est une politique publique ? Qu'est-ce que c'est le développement d'une politique publique ?
Anne :
Ah oui, c'est une politique publique ! Oui bien sûr !
Nicolas :
...Appliquée à la pratique du vélo, dans ce cadre là, vous êtes amenée à... 
Anne :
Alors, ce qui est propre à la ville, qui ne dépend vraiment que de nous, c'est là où on met les arceaux vélo.
Nicolas :
D'accord.
Anne :
Alors ça n'a pas l'air de grand chose, mais c'est assez impressionnant, on dépense quand même, bon an mal an, autour de vingt à quarante milles euros. Ça a même été plus certaines années, puisqu'il a fallu d'abord amorcer. Je parle de ça avant que moi-même je ne sois élue. C'est important pour développer la politique vélo parce qu'il faut quand même qu'on ait des endroits où placer nos vélos. Ce que permettent justement les arceaux. On essaye de les positionner en fonction d'un certain nombre de choses. Le nombre de personnes qui utilisent des vélos à priori, mais, il faut penser que le fait d'en mettre ça permet d'en mettre à posteriori. A proximité de commerce, de bar aussi puisque les vélos sont quand même bien utilisés par les jeunes, qui en profitent pour les utiliser quand il n'y a plus de transport en commun. Ce sont des endroits où il y a des étudiants, des endroits où il y a plus de personnes comme des grosses entreprises... 
Nicolas :
Vous disséminez ça sur tout le territoire de...
Anne :
Sur tout le territoire de Lille. On fait attention à ce qu'il y ait un équilibre, une équité sur tout le territoire, il y en a sur les dix quartiers de Lille.
Nicolas :
 J'ai vu qu'il y avait un test qui avait été fait avec des arceaux qui se mettaient sur des poteaux existants.
Anne :
Ça, c'est la métropole qui a fait ça, ils ne l'ont pas fait à Lille. J'ai vu ça pendant les vacances et comme j'ai vu ça aussi au Québec, j'ai pris des photos, parce que quand je voyage, je prends des photos sur le vélo. Je pense que ça risque de pouvoir se faire, enfin, j'espère qu'on va pouvoir le mettre en place aussi sur notre ville. C'est sympa, vous voyez, on peut mettre deux vélos. Mais ça peut être intéressant de...
Nicolas :
...D'utiliser déjà le mobilier urbain existant...
Anne :
Même si nos arceaux vélos ne prennent pas tant de place. Ce sont des oreilles en fait.
Nicolas :
Je vois très bien à quoi ils ressemblent.
Anne :
On peut mettre des petits et des grands vélos et c'est ce qui fait l’intérêt de ces oreilles, enfin entre guillemets. A priori, on pourrait presque en mettre quatre, mais bon plus généralement, on n'en met que deux. Mais on peut en mettre quatre si on les met correctement finalement.
Nicolas :
Ah oui, deux d'un côté et deux de l'autre ! J'ai bien compris.
Anne :
On peut mettre aussi des vélos d'enfants puisque le bas...
Nicolas :
Parce qu'il y a une barre plus basse
Anne :
Et puis au niveau de l'emprise au sol, c'est quand même pratique parce qu'il y a juste une seule emprise au sol. Alors que l'on voit beaucoup d'arceaux à vélo qui ont deux emprises au sol, c'est quand même plus compliqué, mais surtout ça fait deux emprises au sol.
Nicolas :
Il y a plus de travail !
Anne :
ui et puis même... Là, l'intérêt de ces arceaux à vélo, c'est qu'ils peuvent aussi se mettre de n'importe quel côté enfin... C'est vraiment intéressant... Ça, c'est le propre de la ville. Après donc au niveau de la politique, ce sont les pistes cyclables, enfin les pistes, les voies cyclables...
Nicolas :
Les bandes cyclables.
Anne :
Alors j'ai parfois du mal avec toutes ces terminologies. Là, ça rentre dans le schéma directeur de la métropole urbaine... Européenne de Lille. Évidemment, dans ce cas, nous, on avance nos priorités, on envoie un courrier au niveau de la métropole. Le groupe de travail vélo se réuni, on va dire une fois par trimestre voir un petit peu plus souvent. Le groupe de travail vélo, c'est moi qui l'anime et il y regroupe à la fois des techniciens de la ville et de la métropole et c'est à ce moment-là que l'on traite de tout ce qui concerne le vélo au niveau technique. Les pistes cyclables, quand il y a des aménagements de rues donc les doubles sens cyclables, dès qu'il y a des travaux, comment va-t-on mettre en place, justement, voies, bandes, pistes selon la configuration. Comme nous ne sommes pas toujours du même avis et bien, on négocie...
Nicolas :
Oui, s'il y a des commerçants ou des choses comme ça, ça...
Anne :
Non non, on négocie avec la métropole qui n'a pas forcément la même approche. En fonction évidemment des crédits, même si Lille est la ville centre et je pense la ville où proportionnellement, il y a le plus de cyclistes, on n'est quand même qu'une ville parmi les cent... En sachant qu'effectivement, c'est à Lille et autour de Lille qu'il y a beaucoup de cyclistes, la grande couronne si on peut parler de couronne.
Nicolas :
La première ceinture...
Anne :
On va jusqu'à Villeneuve d'Ascq, Marcq, Loos aussi un petit peu.
Nicolas :
Cinq ou six kilomètres de rayon !
Anne :
Et puis après, la politique vélo, c'est aussi essayer de faire en sorte que l'espace public soit partagé et ça, c'est de plusieurs ordres. Travailler avec les écoles pour une éducation, une sensibilisation à la pratique, mais aussi une éducation au code de la rue, ce n'est pas le code de la route, c'est le code de la rue. Qu'il faudrait que l'on remettre au goût du jour d’ailleurs, c'est dans les tuyaux, c'est pour ça que je le dis... Mais c'est aussi essayer de travailler pour que les automobilistes respectent les cyclistes et que les cyclistes respectent les piétons. J'allais dire et vice-versa, mais je suis vraiment partie du plus vulnérable qui est le piéton jusqu'au moins vulnérable qui serait l'automobiliste. En sachant que chacun de ces d'individus peut changer de groupe à tout moment, on peut à la fois être piéton, cycliste et automobiliste ou cycliste, automobiliste enfin bon bref...
Partager l'espace public ce n'est pas aussi simple qu'il y parait pour tout le monde, il y a quand même des comportements qui ne sont pas... Comment le dire... Qui ne sont pas acceptables.
Nicolas :
Oui, ce ne sont pas les mêmes conséquences !
Anne :
C'est pour ça que je parle de vulnérabilité, c'est important ! On est aussi sur un projet de : Lille, ville prudente. Ça passe par de la communication. Lille, ville prudente, c'est un label que l'on voudrait pouvoir essayer d'obtenir et qui permet que chacune et chacun respectent les autres dans leur diversité. C'est-à-dire une voie cyclable ça se respecte, on ne se gare pas dessus, on ne roule pas dessus, c'est compliqué, c'est compliqué. On est quand même dans un monde où même si petit à petit les choses commencent à évoluer, on est dans un monde où la voiture est reine et c'est compliqué pour les cyclistes.
Pour la cycliste que je suis d'une part, mais aussi pour l'élue que je suis au vélo. Je suis interpellée très régulièrement par les cyclistes qui me reprochent le fait qu'il y ait des voitures garer sur les bandes cyclables, parce que sur les pistes cyclables, c'est plus rare, même si ça arrive. Ceci étant, on ne peut pas tout régler uniquement par la verbalisation. Il faut que chaque personne prenne conscience de sa propre responsabilité, c'est compliqué.
Nicolas :
C'est du civisme aussi.
Anne :
Et puis il y a des choix que l'on peut faire de piste, bande cyclable, qui ne sont pas reconnus : « Ah, mais pourquoi vous n'avez pas fait une piste-là, etc... etc...
Nicolas :
Toujours des discussions autour de comment ça se passe, de...
Anne :
Comme, je le disais, il faut négocier, il faut argumenter, mais on est dépendant à la fois de la métropole et de l'argent public. Quelques fois, plutôt que d'attendre de pouvoir faire une piste, il vaut mieux faire une bande. Comme ça, il y a quand même un endroit où les cyclistes ont, même si ce n'est en totale sécurité, leur place.
Nicolas :
Oui et puis ça amorce, quand on fait le tronçon suivant, on continue la piste et peut-être qu'à terme, ça a vocation à...
Anne :
Après, est ce qu'il ne faut faire que des pistes ? Les bandes cyclables, c'est aussi cet espace qui est la rue qui est partagé entre les cyclistes et les automobilistes et pourquoi chacun n'aurait pas sa juste place ? Parce que la piste cyclable, en général, ça prend aussi aux piétons. Les espaces partagés, on en teste sur les côtés du boulevard Lebas. J'insiste pour qu'on remette bien les logos espace partagé, parce qu'ils ne tiennent pas très longtemps, vous pourrez aller en filmer si vous voulez, il n'y a pas de soucis. Certains cyclistes roulent quand même très vite, c'est partager l'espace donc quand il y a des piétons ça veut dire, même en tant que cycliste, que l'on doit rouler un peu moins vite, faire un petit peu plus attention, et puis quand on est piéton et bien ne pas prendre la largeur totale du trottoir. Parce que c'est un trottoir très large et il n'y a pas de voies cyclables qui sont sur ce trottoir. Il y a juste ces pictos qui sont en quinconce pour justement que chacun se disent ah oui ici, c'est à la fois les cyclistes et les piétons.
Nicolas :
On pourrait presque dire que le vélo ou le cycliste vient jouer les troubles-fêtes dans l'ordre public... Dans l'ordre qui s'était établi entre les piétons et les automobiles.
Anne :
Non ! Oh non, ce n'est pas ce que je dis enfin ou alors... Non, je ne pense pas.
Nicolas :
Je disais ça parce que des fois, on va mettre des pistes cyclables sur la route, des fois, on va les mettre sur les trottoirs, donc on ne sait pas encore trop comment le positionner enfin voilà ça dépend en effet des cas, mais...
Anne :
Oui enfin ça dépend des situations et effectivement le cycliste, quand je disais qu'on est encore dans un monde d'automobilistes, où la voiture a pris une place importante, alors certes, on pourrait révolutionner tout de suite effectivement, sauf que même Amsterdam a mis quarante ans donc on peut aussi aller au rythme où il faut. Je pense que la délégation vélo date du mandat précédent, il n'y en avait pas avant.
Nicolas :
C'est assez récent au final, à l'échelle d'une politique publique !
Anne :
...Finalement à l'échelle...
Nicolas :
D'une politique publique surtout d'envergure comme ça.
Anne :
Mais à Lille on voit beaucoup de cyclistes même en hiver !
Nicolas :
Ah oui ?
Anne :
Oui ! Moi, je ne me déplace qu'à vélo, je n'ai plus de voiture. On peut dire que je suis l'élue qu'il faut pour cette délégation, mais je ne suis pas la seule parmi les élus écolos. En ville, j'en vois de plus en plus, vraiment. C'est plus pratique, pour moins de 5 kilomètres ça ne vaut vraiment pas le coup de prendre une voiture. En plus, il faut trouver une place pour se garer, payer l'assurance et en plus, on pollue. Même si on ne parle pas de la pollution, car tout le monde n'est peut-être pas sensibilisé à la question, c'est plus cher, plus contraignant. C'est vrai que celui qui pense que la voiture est le prolongement de son domicile, évidemment, quand je lui parle, il ne m'entend pas beaucoup.
Nicolas :
Je veux bien le croire.
Anne :
Si je continue un petit peu par rapport à tout ça, je crois que j'ai fait à peu près le tour, il y a les relations avec les associations.
Nicolas :
Avec L'ADAV, avec ?
Anne :
Oui, qui est une relation un peu difficile en ce moment, très très difficile... Les subventions sont octroyées par la métropole, mais ce serait bien quand même qu'il y ait plus de subventions, mais ce sont des négociations avec la Maire. Compliqué.
Nicolas :
Ça devient vite...
Anne :
Ça devient vite compliqué.
Nicolas :
Et c'est une volonté vraiment forte de la métropole de développer le vélo comme moyen de transport ?
Anne :
De la métropole. Je n'en sais rien.
Nicolas :
De Lille ?
Anne :
De Lille, oui ! Même si, en temps qu'élue écolo, je trouve que l'on avance à trop petit pas, j'essaie d'accélérer les choses. Néanmoins, on avance quand même, il faut que je sois un petit peu honnête. Mais oui, on a de plus en plus de zone trente, j'espère quand même qu'on arrivera très rapidement au moins à un centre en zone trente, si ce n'est toute la ville. Finalement, un gros périmètre en ville trente qui est quand même déjà une avancée pour permettre aux cyclistes de retrouver leur place. Sans avoir besoin de trop d'aménagement quand même, parce qu'on parle aussi d'argent publique. Si on peut arriver par des solutions qui soient un peu moins chères ça peut être intéressant. D'ailleurs, il y a une adjointe au vélo, donc c'est affiché clairement.
En plus, on postule sur Lille capitale verte dont la politique cyclable fait partie des enjeux. Au niveau de la métropole, je pense que ce n'est pas si simple. L'élu qui est en charge du vélo a plein d'autres délégations.
Nicolas :
Oui, j'ai cru comprendre en plus que chacun faisait comme il avait envie, ce qui doit provoquer un dialogue social compliqué !
Anne :
Oui ce qui est compliqué, c'est sur les jonctions. J'ai l'exemple du faubourg d'Arras, la rue du faubourg d'Arras est limitrophe avec la commune de Faches-Thumesnil. Rien que pour faire la même chose à Fâches et à Lille, c'est compliqué. Ce n'était pas faisable en l'état, même s'il va y avoir quelque chose d’à peu près correct. C'est un exemple typique. C'est moins compliqué avec Ronchin, où j'ai déjà participé au groupe de travail vélo de Ronchin, parce qu'il y avait des questions qui traitaient de Lille et de la rue du faubourg de Douai. Ici, il y avait des questions qui étaient communes. Ensemble, nous nous sommes demandé ce que nous allions faire, parce que l'objectif, c'est que ce soit le mieux pour tout le monde...
Mais ce n'est pas toujours simple. Je le rappelle, le budget est contraint. Je parle souvent de négociation avec la métropole parce que l'on doit nous-même leur donner un ordre de priorité, mais ils ont aussi un ordre de priorité avec toutes les autres communes. Même si on est la plus grosse commune, on n'est pas majoritaire.
Nicolas :
Oui, il faut hiérarchiser. Pour revenir un peu sur le rétropédalage, vous avez un vélo à rétropédalage ?
Anne :
Oui, mais le prochain vélo que j'aurais ça ne sera peut-être pas à rétropédalage, ça dépendra !
Nicolas :
Pourquoi vous avez ce type de vélo ?
Anne :
Pour moi, un vélo à rétropédalage ou frein, c'était pareil. C'est le vélo qui me plaisait et il était à rétropédalage. Comme j'ai vécu un peu en Allemagne, je connaissais ce genre de système et ça ne me gêne pas. Je crois que si le prochain n'est pas à rétropédalage, ça risque d'être compliqué parce que je me suis quand même habituée. 
Nicolas :
Pourquoi vous dites que ce sera compliqué de repasser à des freins normaux ?
Anne :
Parce que, ça y est ! Moi quand je freine, je rétropédale... Je ne réfléchis plus...
Nicolas :
Oui, je vois très bien.
Anne :
Mais par exemple, quand il y a des locations de vélo, vous savez, dans les villes. Je loue souvent les vélos V'Lille, enfin ce n'est pas V'Lille bien sûr, mais les vélos en location ce genre de chose. Il n'y a jamais de vélo à rétropédalage et j'avoue que ça m'arrive quand même souvent de rétropédaler pour freiner donc je suis un peu moins rapide. Mais je ne roule pas très vite, je ne suis pas une rapide à vélo.
Nicolas :
Vous n'avez pas la tête dans le guidon...
Anne :
Non non, je regarde bien.
Nicolas :
Dernièrement, je suis allé à Copenhague et ce ne sont que des vélos à rétropédalage dans les pays du Nord.
Anne :
Oui, oui.
Nicolas :
Je ne sais pas si vous connaissez Bruno Latour ? C'est un anthropologue qui, dans un de ses écrits, dit que « la technique est un discours en soit... ». En quelque sorte, il traduit quelque chose, c'est un des points qui m’intéresse. Finalement, le fait de freiner avec les mains, ce n'est pas très naturel, c'est très brutal, alors qu'avec un vélo à rétropédalage, ça va être un freinage plutôt doux, qui fluidifie la conduite, qui oblige le cycliste à anticiper.
Anne :
Mais oui, ça ne correspond pas, par exemple à nos livreurs à vélo, qui n'ont pas toujours de frein d'ailleurs, même si c'est interdit.
Nicolas :
C'est parce qu'ils ont des pignons fixes, mais ils n'ont pas de frein avant en effet. Mais c'est la technique de freinage qui m’intéresse parce que ça traduit une manière d'être à la ville. Si on vous mettait avec un vélo avec des freins à levier et votre vélo à rétropédalage sur le même trajet et qu'on filmait les deux et qu'on les superposait, vous freineriez bien plus tôt avec le rétropédalage, la technique provoque des comportements différents.
Anne :
D'accord ! Mais j'ai quand même un frein avant.
Nicolas :
Oui et qui est votre frein de secours en fait, presque, non ?
Anne :
Oui, mais quoique non. J'ai quand même fait très très longtemps du vélo où je freinais comme ça. Et on prend des habitudes.
Nicolas :
Et les habitudes restent !
Anne :
Ah oui.
Nicolas :
D'accord, je pense que vous avez répondu à toutes mes questions en une fois.
Anne :
Ah d'accord super !
Nicolas :
Mais j'aimerais bien que vous reveniez sur le partage de l'espace public !
Anne :
Pour moi, c'est vraiment important, en tant qu'élue au vélo et en tant qu’élue aux femmes. Ça à l'air un peu bizarre, mais les problématiques sont les mêmes. La place des femmes dans l'espace public n'est pas aussi naturel que la place des hommes et c'est un peu la même chose pour le vélo. En France, même si ça tend à s'améliorer, la place du vélo dans l'espace public, c'est ce que vous disiez, ce n'est pas si simple. Ce n'est pas naturel. La voiture a pris une telle place que le vélo à été mis un peu de côté.
Et puis comme vous le disiez, il y a du cyclisme, mais des cyclistes quotidiens. Ils n'étaient plus là enfin, ils étaient là avant l'arrivée de la voiture et c'est comme s'ils reprenaient leur place, leur juste place. C'est pour ça que je dis qu'il y a des proximités sur cette histoire de partage de l'espace publique, ça semble un peu tiré par les cheveux. Mais j'ai beaucoup travaillé sur le partage de l'espace public pour les femmes avec les marches exploratoires, et finalement en vélo on pourrait faire la même démarche. C'est-à-dire, non pas une marche exploratoire, mais une vélo exploratoire, enfin, je ne sais pas comment le dire.
Nicolas :
Une déambulation.
Anne :
Oui, pour voir là où ça coince et où il faudrait changer. C'est pour ça que je dis que ça participe de la même démarche intellectuelle, évidemment ce n'est pas la même chose.
Nicolas :
Je pense que le droit des femmes est plus important que le vélo, mais...
Anne :
Oui, ça oui, pour moi aussi.
Nicolas :
Mais je comprends, sur les purs concepts, je comprends la comparaison.
Anne :
C'est, comment faire pour que chacun ait sa juste place. Il ne faut pas qu'il n'y ait que des vélos, ou que des voitures, ou que des piétons... Il faut qu'il y ait les trois. Même si à certains endroits de la ville, on n'a quand même pas besoin de voiture, notamment la grand-place, j'y suis encore passé tout à l'heure, je ne vois pas l’intérêt.
Nicolas :
Surtout que le...
Anne :
Surtout que si on va à cet endroit-là, si c'est pour traverser la ville, non ! C'est mon point de vue et si c'est pour faire des courses, on se gare à un parking et on fait cinquante mètres à pied. Mais ça ce n'est pas encore gagné.
Nicolas :
Parce que j'ai vu aussi que sur l'aménagement de l'avenue du Peuple Belge, il y a avait justement le projet d'enlever le parking.
Anne :
Dans le projet ?
Nicolas :
D'enlever le parking en épi et de mettre des pistes cyclables.
Anne :
On se sent quand même beaucoup plus en sécurité sur des pistes cyclables. Parce que malgré tout, quand on est sur la route, on fait plus attention.
Nicolas :
Je pense que ce sera ma dernière question, j'aurais aimé savoir ce que c'était d'après vous, en tant que cycliste et en tant qu'élue pour le coup, quelles étaient les qualités pour être un cycliste du quotidien ? 
Anne :
Ah ! Un cycliste du quotidien !?
Nicolas :
Vous, par exemple, vous prenez votre vélo tous les jours !?
Anne :
Oui, tous les jours ! J'insiste sur le respect des autres, le respect du code de la rue, je pense que ça, c'est important. Parce que la première chose qu'on nous dit toujours : « Ah oui, mais les cyclistes, vous roulez comme des fous et vous passez les feux rouges.» Ça m'énerve toujours parce que bon autant que faire se peut, il faut respecter les autres. Autant que faire se peut, je dis bien. Parce que même les automobilistes grillent les rouges ! J'en ai déjà vu et c'est quand même plus dangereux... Être en forme quand même (rire). Je pense qu'il faut être en forme pour être un cycliste du quotidien, même si ça garde en forme.
Nicolas :
Il faut amorcer...
Anne :
Quand on est fort fatigué et qu'il faut prendre le vélo, on se dit : « opff ». Ce n'est pas grave, il y a les transports en commun, si on est trop fatigué, ça peut arriver quand même. Et puis bien entretenir mon vélo...
Nicolas :
Vous le faites entretenir votre vélo ?
Anne :
Assez régulièrement ! Mais là en ce moment, il faudrait quand même que j'y aille parce qu'il est en train de bringuebaler de partout. (rire) Mais oui ! En général au moins une fois par an. Je ne suis pas loin des cinq mille kilomètres par an. Je travaille à Villeneuve d'Ascq, sur la cité scientifique et ça fait un petit bout de route tous les jours. Ça m'arrive aussi d'aller jusqu'à Roubaix à vélo. Roubaix, c'est pénible !
Nicolas :
Ce sont les feux qui sont pénibles.
Anne :
Ah oui.
Nicolas :
Vous parlez de Roubaix centre ?
Anne :
Non pour aller jusqu'à Roubaix !
Nicolas :
Sur le grand boulevard, les feux, ils ne sont pas du tout faits pour les cyclistes. Mais alors là ce n'est pas du tout fait pour les cyclistes... Quelques fois, on n'a quand même pas d'autre solution que de passer quand on a l'impression que ça va être vert.
Anne :
Ce qui devient plus dangereux au final.
Nicolas :
Je connais un cycliste de Tourcoing justement, qu'est ce qu'il m'a dit qu'il faisait !? Lui, ça lui fait un petit peu plus de kilomètres, mais il passe par les routes...
Anne :
Il l'évite carrément...
Nicolas :
J'ai rencontré les gens de l'ADAV et ils me disaient justement que ces feux, il y avait deux minutes trente d'attente au rouge pour six secondes au vert ou au clignotant. Ce qui est quand même un petit ratio.
Anne :
Mais alors ça, c'est vraiment la métropole.
Nicolas :
Ça, c'est la métropole qui...
Anne :
Oui, c'est la métropole qui gère. Mais vraiment, ce grand boulevard, c'est la voiture, la voiture, la voiture.
Nicolas :
Il n'y a qu'à voir la surface qui est dédiée en largeur au vélo et à la voiture...
Anne :
Surtout qu'on pourrait faire autrement je pense. Après, ce sont de gros travaux de voirie. Ou alors, de chaque côté du boulevard une voie complète.
Nicolas :
En terme de travaux, les aménagements de pistes cyclables, c'est ce qui coûte le moins cher et c'est ce qui dure le plus longtemps. Parce qu'on n'a pas besoin de faire un asphalte de quarante centimètres, parce qu'il y a moins d'usure. Ce sont les gens de la mairie de Copenhague qui avancent ces chiffres.
Anne :
Que les pistes, c'est...
Nicolas :
C'est beaucoup moins cher à faire que...
Anne :
Qu'un coup de peinture sur la route ?
Nicolas :
Non, que faire une route pour les voitures...
Anne :
Ah oui, ça, c'est sûr ! La peinture, c'est le moins cher.
Nicolas :
Ça défi toute concurrence. 
Anne :
Le souci, c'est que l'on pourrait faire pas cher et en continuité sur beaucoup de territoires. Mais il y a tellement d'automobilistes qui ne respectent pas cette voie cyclable que finalement, les cyclistes en sont à amener à demander des pistes cyclables. Tout simplement. Parce que si les voitures respectaient ce deux mètres, enfin, je dis deux mètres, ça ne fait même pas deux mètres. Bref, ce mètre cinquante, il n'y aurait pas de souci enfin, tout est encore question de...
Nicolas :
De respect.
Anne :
De respect de chacune et de chacun... Vraiment !
Dérapage contrôlé ?
une phénoménologie du rétropédalage.
Nicolas Duchêne sous la direction de Miguel Mazeri
ENSCI-Les-Ateliers - 2019